11.04.2023 - Marylène Ouellet
La responsabilité sociale de l’organisation : un regard croisé à travers le prisme de la neurodiversité

À force de luttes et de patience : un pont jeté entre elles et "eux"
Introduction
L’un des débats auxquels sont confrontés les représentants du mouvement de la neurodiversité porte sur les significations de l’expérience autistique ou neurodivergente. La volonté de remettre en question les interventions axées sur la normalisation est au cœur du plaidoyer de la neurodiversité. En décrivant comment les personnes neurodivergentes se sentent jugées à tort comme incompétentes, irresponsables voire incapables, le mouvement de la neurodiversité tente de modifier les perceptions et les représentations stigmatisantes portant atteinte à la dignité des personnes neurodivergentes.
Confrontant ainsi les systèmes d’oppression et d’exclusion, le mouvement de la neurodiversité encourage l'exploration des différentes façons de penser et de travailler avec ces individus. Ainsi, s’intéresser à la neurodiversité au travail, c’est s’intéresser à ses fondements, et s’intéresser à ses fondements signifie faire preuve de responsabilité sociale. C’est aussi s’intéresser aux obstacles systémiques qui mènent potentiellement à l'exclusion des personnes neurodivergentes.
L'idéologie néolibérale menace-t-elle la survie des personnes neurodivergentes?
Au cours des trois dernières décennies, nous avons été les témoins de l’ascension du néolibéralisme, de ses logiques de marchés et de ses politiques en matière de droits privés, après qu'elle ait atteint un niveau sans précédent dans l’histoire de l'exclusion des personnes handicapées.
En tant que doctrine porteuse à la fois d’un projet émancipateur et contraignant, c’est-à-dire un projet conduisant à la fois à l’épanouissement personnel et à l’exclusion des individus jugés non conformes, le néolibéralisme aura contraint les personnes neurodivergentes à mener une vie en marge avec peu ou pas de soutien social (Stewart, Berghs, Chataika, El-Lahib et Dubé, 2019).
Préoccupé par un consumérisme de marcher, le néolibéralisme aura fait de l’individu un homo œconomicus le poussant à répondre à une idéologie méritocratique. Devant répondre à des normes comportementales et à des principes de concurrence, l’individu est ainsi reconnu comme un individu responsable et entrepreneur libre de s’accomplir sans être assisté. Ainsi s’en est suivi une société individualiste et compétitive menant à la stratification sociale (Duggan, 2003).
Fondée sur l’idéologie de la performance et la réforme de l’aide sociale commandée par les politiques néolibérales, l’image idéalisée de l’être humain se sera matérialisée par la construction de l’idéal type néolibéral (concept défini par Max Weber). Dit d’une autre manière, un individu non « conforme » et dépendant. Ces classifications sociales rattachées aux politiques néolibérales n’ont eu que pour effet de raviver la colère des minorités et d’accélérer le rythme des luttes contre la discrimination et l’exclusion à l’endroit des minorités.
« La neurodiversité défend l’idée qu’il n’existe pas un type « normal » ou « sain » d’esprit cérébral, et encore moins d’un « bon » style de fonctionnement neurologique. »
La neurodiversité se rapproche du concept de la diversité cognitive dans le sens où tous les individus présentent des différences dans leur fonctionnement cérébral, dans leurs traits de personnalité et leurs comportements (Fung et Doyle, 2021). Toutefois, la neurodiversité n’est pas un trait que toute personne possède ou peut posséder. Lorsqu'une personne ou un groupe de personnes s'écarte des normes dominantes du fonctionnement neurocognitif dit "normal", nous ne dirons pas qu’elle a une neurodiversité, nous dirons qu’elle a une neurodivergence ou qu’elle est neurodivergente.
En réalité, tout le monde fait partie de la neurodiversité, car les cerveaux sont uniques. Cependant, il est impossible compte tenu de la prévalence associée aux différentes neurodivergences (entre 15 et 20%) que tout le monde puisse être neurodivergent. Ce qu’il faut retenir c’est que la neurodiversité n’est pas un terme inventé pour masquer la détresse et la souffrance humaine des personnes neurodivergentes. La neurodiversité est un mouvement qui permet de concevoir autrement la souffrance psychique sans toutefois la pathologiser.
Essentiellement, les personnes neurodivergentes ne sont pas différentes visuellement des autres personnes. Il y a autant de neurodivergances qu'il y a de personnes neurodivergentes. Chaque individu présente une combinaison unique de caractéristiques neurodivergentes. Par exemple, il est faux de dire que nous sommes tous un peu TDAH. Certes, nous avons tous plus ou moins vécu des moments où nous n’arrivions plus à nous concentrer, mais, chez une personne TDAH, l’effet est plus fréquent et plus intense.
La responsabilité morale des organisations et le rôle qu’elles doivent jouer dans l’inclusion des personnes neurodivergentes
Enfin, comment les valeurs, les systèmes, les attentes et la culture organisationnelle peuvent constituer des obstacles ou des opportunités d’engagement avec la neurodiversité ? Comment les dirigeants peuvent-ils soutenir et nourrir la neurodiversité ?
Les réponses à ces questions sont incontournables si nous voulons savoir quelles politiques et pratiques en matière de responsabilité sociale joueraient un rôle clé dans la motivation des employés à s’engager avec la neurodiversité. À contre-courant, ne pas prendre le temps pour discuter, débattre et accepter les désaccords pourrait avoir un effet négatif, tel qu'une dégradation de la coopération au sein du collectif de travail et un éclatement des relations entre les employés et les gestionnaires.
En conclusion, je soutiens que la formation et la sensibilisation en matière de RSE-GRH appliqué à la neurodiversité sont des pratiques efficaces pour déclencher la volonté des employés et des gestionnaires à s’engager durablement avec la neurodiversité. Comprendre les enjeux de la neurodiversité et connaître les indicateurs qui légitimiste son engagement est crucial pour comprendre les raisons pour lesquelles nous devrions nous engager dans le mouvement de la neurodiversité au sein de l'enteprise.
La question que nous devrions nous poser avant de chercher des solutions et d’évaluer la rentabilité de l’employabilité d’une main-d’œuvre neurodivergente est la suivante : quelle est la valeur de la neurodiversité?
Si vous envisagez de renforcer le climat de diversité, d'inclusion et d'éthique pour mieux soutenir la neurodiversité, je vous invite à nous contacter pour en savoir davantage sur nos solutions Innovatividée.
Marylène O. Ph.D.(c)
Fondatrice de Braindlab
